Le un a fait un dossier consacré à la consommation de viande. Lorsque j’ai reçu un message privé, sur Twitter, m’en informant, la veille, j’ai partagé la nouvelle. J’avais hâte de le lire. Et puis, je l’ai lu. Et été deçu.
La promesse du un, c’est « chaque semaine, une question d’actualité, plusieurs regards ». Mais, dans ce numéro, il manque un regard essentiel. Il est pourtant en première page. Ce n’est pas celui de l’individu qui tient une fourchette. C’est celui de l’autre mammifère, celui de l’animal non-humain.
Bien sûr, nous ne comprenons pas le langage des vaches. Mais les éthologues savent des choses. Et nous savons qu’elles peuvent souffrir, qu’elles ont envie de vivre. Nous savons qu’une vache et son enfant voudraient avoir des liens mais qu’ils sont séparés.
Nous savons qu’une autre vache s’est cachée pour échapper à l’abattoir. Aucune vache n’a envie de cette vie de vache.
Il ne s’agit pas de philosopher sur les animaux non-humains, mais de prendre en compte la réalité scientifique : les animaux non-humains ont envie de vivre, sont intelligents et peuvent faire société. Il suffit de lire la page de L214 consacrée aux veaux, vaches, taureaux pour s’en convaincre. Les usines actuelles, qui servent à produire de la viande, des œufs, du lait, ne permettent pas aux animaux non-humains de vivre dignement, de vivre tout simplement.
L’association L 214 dénoncent régulièrement les conditions dans lesquelles sont élevés, détenus et tués ces animaux.
Bientôt la fin des oeufs issus de l’élevage en cage pour le leader du marché français ? Un « engagement partiel » selon l’association @L214… pic.twitter.com/7SiMsF899T
— Brut nature FR (@brutnaturefr) 18 octobre 2018
Nous avons des éléments pour retracer le discours que pourrait tenir un animal non-humain. Cela fait des siècles que les animaux non-humains, dans la littérature, servent à caricaturer les humains, depuis Ésope jusqu’à Orwell et sans doute plus récemment encore. Au cinéma, des animaux non-humains aussi sont des héros, de Rintintin à Babe, et dans une moindre mesure Okja. Pourquoi ne pas essayer d’écrire de leur point de vue ? C’est ce que le un aurait pu proposer car le principal concerné par la question « Et si j’arrêtais la viande ? » est bien l’animal dont le cadavre servira à remplir une assiette, un sandwich ou un tacos.
Sans prise en considération des animaux non-humains comme individus (je n’ai pas dit personne, ce sont bien des individus, tous, tout comme les chiens ou chats que vous connaissez et qui ont un nom), le magazine le un consacré à l’arrêt de la consommation de viande répète qu’il est important de diminuer sa consommation, que ce soit pour sa santé, ou pour le climat, mais pas de l’arrêter. Ainsi, dans l’interview qui lui est consacré sur 2 pages, Gilles Daveau dit à propos du véganisme :
C’est une solution extrême qui stigmatise les éleveurs et le monde rural et relève parfois de la posture. Le véritable enjeu, pour notre société, c’est d’amener l’ensemble de la population à manger moins de viande, or le véganisme strict rencontre encore une forte opposition.
Alors, certes, dans un « contre-pied » qui débute par les vitrines de boucheries brisées, Thomas Lepeltier a beau poser la question, à propos des animaux non-humains, « comment donc justifier qu’on les tue alors que cela ne nous est pas nécessaire pour être en bonne santé ? », cela ne peut pas contrebalancer tout ce qui est dit par ailleurs. Et c’est toujours le regard d’un humain.
En quatrième de couverture, le un propose un poème de Lamartine, qui était végétarien. Je terminerais donc moi aussi par un autre poète, plus contemporain. Il illustre mieux, il me semble, ce qui aurait pu être un regard animaliste dans ce numéro. Comme disaient les militants du CRAC, à Rodilhan le 21 octobre dernier :
Quand la tradition tue, il faut tuer la tradition.