GROSSE PRECISION – Je ne parle pas de moi mais de mon identité numérique actuelle hein ! Cette petite mise au point faite, revenons à l’article là où il aurait dû commencer :
Pierre-Olivier me demande quand je reviens sur Twitter. Sa timeline doit être toute vide :p Je n’en sais encore rien… et, d’ailleurs, je ne suis même plus sûr de revenir de la même manière. Ce que je croyais être une expérience anodine – ne pas tweeter se prolonge au delà de ce que je pensais, avec des conséquences et un travail d’introspection que je n’imaginais pas.
Tout est parti de ce texte de Hossein Derakhshan mais il n’a pas assez développé ce paragraphe – ce que je ne peux lui reprocher puisqu’il vient de faire 6 ans de prison, en dehors du Flux et des internets même :
« Il ne fait aucun doute à mes yeux que la diversité des thèmes et des opinions en ligne est moindre qu’autrefois. Les idées neuves, différentes et provocatrices sont supprimées par les réseaux sociaux dont les stratégies de classement donnent la priorité au populaire et à l’habituel. »
A mon avis, ce n’est pas juste une question d’algorithmes, de centralisations opérées par les réseaux sociaux, c’est aussi nous qui pensons différemment dans et en dehors du Flux. Il n’y a pas de jugement de valeur d’ailleurs. La plupart des personnes ne sont pas dans le Flux. Cette semaine, quelqu’un qui travaille en utilisant Intenet m’a même demandé ce qu’était Instagram… et ça n’en fait pas une plus ou moins excellente personne !
Mais le Flux est un corset qui nous maintient dans une identité slash image de soi. On ne peut pas s’écarter du mouvement inertiel premier. Une fois qu’un personnage est posé, il suit sa logique propre. Pour faire une comparaison, imagine que Solange se mette à te parler à la la la vitesse d’un rap de Bigflo & Oli, ce serait bizarre, non ?
L’article de David Carzon concernant Maître Eolas est d’ailleurs très intéressant. A propos du pseudonymat d’Eolas, il écrit :
Son pseudo n’est pas qu’une manière de protéger son véritable patronyme, qui est d’ailleurs connu depuis des années. Ce n’est pas son nom qui est en jeu, c’est son statut, sa liberté de parole, la distance qu’il peut prendre entre son activité professionnelle et la façon d’en rendre compte sur son blog ou les réseaux sociaux, ou la manière de narrer parfois de quoi est fait son quotidien d’avocat. Protéger son nom, c’est protéger cette manière de raconter le monde, à la fois hyperprofessionnelle et détachée.
C’est moi qui ait mis en gras « Protéger son nom, c’est protéger cette manière de raconter le monde » parce que cela me semble tout dire. Sur le Net, depuis 20 ans, j’ai expérimenté plein d’identités. A chaque fois, c’est une autre manière d’établir un rapport au monde.
Mais ce n’est pas seulement vrai sur le Net. La façon dont on nous nomme change les différents rapports entre les gens. On n’interagit pas de la même façon avec Philippe, Philou, Mascotte, Fejzo, Ficio, Grand Schtroumpf, Coach, Chef (que je ne l’aime pas ce nom là !)… ou Monsieur. Ces noms me sont – ou m’ont été – donné oralement par des groupes de personnes. Ce ne sont pas des noms issus du numérique.
Chaque nom, chaque étiquette, parce que finalement ce n’est que ça, nous fait aussi agir d’une certaine façon. Pour les personnes qui m’appelaient « Grand Schtroumpf », j’avais une responsabilité à cause de ce nom…. et, a contrario, parce que j’étais « Mascotte », j’ai pu aller bien au delà de ce que j’aurais fait sans cette étiquette.
Hier, je discutais justement du pseundonymat. La personne qui prenait le café avec moi me disait qu’elle assumait tous ses écrits, quels qu’ils soient : politiques, poétiques, critiques ou autres. Mais un pseudo, ce n’est pas seulement une question d’assumer ou pas. C’est aussi prendre des contraintes pour créer une identité, donc un personnage.
Sur le Net, j’ai été des marques très différentes, des hommes, des femmes, des robots, des singes, et bien d’autres personnages – ou marques, puisque tout est branding – que j’ai oublié. Suivant le costume on n’écrit pas, on n’agit pas, de la même façon. Mais c’est juste comme ça que cela se passe dans le reste de la société. Ne parle-t-on pas de l’honneur du maillot, en disant qu’il faut le mouiller ? Comme si l’habit faisait un peu les obligations du moine.
Sur le web, je suis devenu « Philippe Couzon » / @pcouzon en même temps que je suis devenu auto-entrepreneur et que j’ai commencé à assurer des prestations Social Media. Mais je ne fais plus tout à fait la même chose qu’il y a 6 ans et le (mon) contexte a changé, grâce aux rencontres que j’ai pu faire grâce et sur le Net.
Il y a quelques mois, j’ai ajouté un Ⓥ – pour vegan – à côté de mon pseudo Twitter. Mon identité numérique a donc déjà été un peu changée et une personne, avec qui je déjeunai il y a quelques semaines, me conseillait de me créer un site à côté de philippe-couzon.com pour mon activité professionnelle. C’est une piste possible… ou pas.
Spéciale pensée pour @pcouzon pic.twitter.com/IyiTr5PljY
— Catherine Epstein (@CaptinFr) August 5, 2015
Et, au fait, « Monsieur », c’est mon père ;-)
Excellent billet, Philippe !
Le paragraphe sur les effets et conséquences du « pseudonymat » participe d’une de mes actuelles réflexions ; il apporte donc de l’eau (bienfaisante) à mon moulin.
Bon dimanche à toi !
Ravi que cela fasse avancer ;)