Depuis une semaine, je regarde le direct de l’Assemblée nationale à propos du projet de loi sur l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe. C’est passionnant parce que c’est un sujet de société. Les débats ne concernent pas seulement les couples homosexuels, l’adoption. Ils parlent de la place de l’enfant dans une famille, de la femme dans un couple et dans la société, des peurs qui existent encore, du long chemin de l’émancipation, que celle-ci soit individuelle ou collective.
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A gauche, s’exprime la majorité, d’accord avec le gouvernement et la commission des lois. A droite, les députés qui s’expriment sont forcément contre. D’un côté, comme de l’autre, ceux qui voudraient s’abstenir ou avoir un avis différent de leur groupe ne s’expriment pas. C’est le jeu parlementaire.
Du coup, alors que, sur des sujets de société, les avis transcendent les partis, on se retrouve avec une droite conservatrice (elle veut conserver le mariage exclusivement hétérosexuel) et une gauche progressiste (et plurielle). C’est, je crois, dommage pour les progressistes qu’il pourrait y avoir à droite (je pense, sur le sujet à NKM et surtout Franck Riester).
Dans ce débat, il m’apparaît que la Gauche a le beau rôle ou, plutôt, que la Droite tient le mauvais. Elle n’était pas obligée de s’opposer au mariage, à l’adoption, à parler d' »enfants playmobils », de « familles normales », de faire comme si les familles homoparentales ou monoparentales n’existaient pas, de vouloir appliquer un principe de précaution, de vouloir faire appliquer la loi française à l’étranger, de regretter qu’il n’y ait pas assez d’orphelins à adopter. Nous sommes nombreux à live-tweeter sur le hashtag #DirectAN. Il suffit de lire ce qui est dit pour voir que la réputation des uns et des autres ne sort pas indemne.
A contrario, ce débat met dans la lumière des personnes. En premier lieu, la ministre de la justice Christiane Taubira. Une semaine à répondre, argumenter, avec humour, sourire, patience, passion, sans fiche, chapeau ! Ensuite, Erwann Binet, le rapporteur du texte Mariage pour tous de la commission des lois, impeccable dans l’argumentation (et, disclaimer, j’aurai le même avis même s’il n’était pas viennois ;-)) et Claude Bartolone, au péchoir, qui distribue justement la parole et le fait avec humour. Enfin Hervé Mariton qui joue son rôle dans l’opposition, qui se signale par ses rappels au règlement de l’Assemblée mais qui le fait sans tenir de propos outranciers… et avec malice.
Sur le fond, j’ai l’impression de ne pas tout à fait vivre dans la même société que les députés de l’opposition. Je suis heureux que les débats sur le vote des femmes, le droit à l’IVG aient déjà eu lieu, parce que je ne suis pas sûr que ses députés là les auraient voté, en 2013, persuadés qu’il n’existe qu’un modèle familiale et qu’il doit être figé. Le plus fou étant sans doute de dire que le mariage est à la fois « naturel » (entendez forcément hétérosexuel et exclusif) et une « institution » (donc culturelle).
J’ai vu récemment le Lincoln de Spielberg. L’un des orateurs s’opposait à l’émancipation des escalves. Son discours était simple : si on libère les esclaves, il faudra un jour leur donner le droit de vote, et si on le leur donne il faudra un jour le donner aux femmes. En regardant les débats de l’Assemblée sur le mariage pour tous, j’ai l’impression d’être dans l’étape suivante : reconnaître qu’hétérosexuels et homosexuels ont les mêmes droits, que les enfants qui ont un parent ou plus ont le droit à la même considération et sont dans la même normalité.
L’engouement pour le débat public me semble supérieur à celui qu’il y avait au moment de la discussion sur Hadopi. Est-ce parce qu’il touche toute la société ou que nous sommes bien plus nombreux sur Twitter, à l’intérieur et à l’extérieur de l’hémicycle ? Ca me semble bien en tout cas pour la démocratie alors venez nous faire un coucou de temps en temps et commenter avec nous ;-)
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