Je n’ai rien presque rien dit sur Depardieu depuis une semaine (et sans doute plusieurs années, en fait). Pourtant, dans une discussion tout à l’heure, on a présumé que je devais être contre le déménagement de Depardieu. Du coup, je vais dire plus clairement que j’ai pu faire ce que j’en pense.
Samedi soir, voilà à peu près tout ce que j’ai dit quand le JDD a annoncé que Depardieu rendait son passeport et « sa sécu ».
Lol… RT @jeudybruno: #Depardieu annonce dans le #JDD qu’il rend son passeport et quitte la France.
— Philippe Couzon (@pcouzon) Décembre 16, 2012
#Depardieu. Il rend son passeport et même sa sécu… RT @guillaumedaret: lejdd.fr/Politique/Actu… #JDD
— Philippe Couzon (@pcouzon) Décembre 16, 2012
La plus grande discussion que j’ai dû avoir à propos de cette affaire, c’est aujourd’hui.
Depardieu n’a rien fait d’illégal. Il a usé de son droit à se déplacer, et c’est pour faciliter ce droit que l’Union européenne a été construite (ou l’inverse – chacun peut s’établir où il veut, pour que l’Union européenne puisse se construire – mais peu importe là). Que Depardieu vende son hôtel parisien, aille habiter à Néchin, sérieusement, je m’en fous. Il y a une différence de fiscalité entre la France et la Belgique, deux Etats de la même Union européenne ? Ce n’est pas le problème de Depardieu, c’est celui des politiques européennes et des Etats. La Belgique est un Etat de droit, Depardieu ne se soustrait pas à l’impôt en général.
Après l’annonce par la presse du départ de Depardieu de Paris, il y a eu surenchère, entre la Gauche et la Droite, chacun voulant défendre son camp. Les mêmes qui défendaient le « pauvre con » s’élèvent contre le « minable ». Et inversement. De part et d’autre, c’est juste des politicailleries, sur le dos de Depardieu. Ca n’a aucun sens.
A propos du « minable », voilà les propos d’Ayrault relevés par Le Figaro :
Je trouve ça assez minable de se mettre juste de l’autre côté de la frontière.
Il ne parle pas de Depardieu mais de l’acte « de se mettre de l’autre côté de la frontière ».
Que dire de plus ?
- Que l’Etat se préoccupe de savoir réellement – donc pas idéologiquement – ce qui peut attirer et permettre les investissements en France me semble normal. Mais un départ, ce n’est rien. C’est juste une situation individuelle. Ce sont les tendances qu’il faut regarder.
- Le patriotisme économique ? C’est une croyance, pas une loi, pas une obligation. Comme croyance, elle ne regarde que ceux qui y croient.
- Depardieu a sans doute bénéficié des aides au cinéma qu’on peut trouver en France : et alors ? Il n’y avait pas pour lui d’obligation à rester en France. C’est pareil pour tous. Il faut changer la loi ? Dans ce cas là, aux politiques de le faire mais on ne peut pas reprocher à quelqu’un de la respecter.
- Je ne sais pas si la fiscalité est confiscatoire en France. La solidarité a un coût mais c’est ce qui permet à la société d’évoluer dans son ensemble. A nouveau, c’est une question d’harmonisation… et de prise en compte des divers taxes et impôts lors de la conclusion des contrats. Ce qui me semble le plus préjudiciable, c’est l’insécurité législative, les règles qui changent, pas le taux d’imposition.
Une discussion sur la fiscalité requiert d’abord une discussion sur la notion de Droit. Selon notre constitution (et pour tous les gens normaux et sains d’esprit) ce sont les individus qui ont des droits (liberté, propriété, sûreté, résistance à l’oppression), et l’Etat n’a que des pouvoirs qui lui sont délégués par la population, ses légitimes maitres. En d’autres termes, l’Etat sert et obéit à ses contribuables, et pas l’inverse. C’est un outil inventé pour mieux défendre ses droit qu’individuellement avec son fusil, et pas une entité « divine » qui a une quelconque légitimité morale indépendamment de la bonne volonté des citoyens qui le financent.
La fiscalité ne peut donc exister que si, et seulement si, elle sert à financer un « bien commun » de la meilleure manière possible, le moins cher possible, et en ayant prouvé que ce « bien commun » ne peut pas être atteint par la libre organisation de la société civile. Un bon exemple est la justice, le réseau routier, l’armée.
Maintenant, on peut imaginer une dépense publique élevée mais extrêmement efficace (pas de pauvreté, une éducation en haut de tous les classements, une santé peu chère et qui rembourse tout pour moins cher que le privé, etc) et qui justifie donc des prélèvement relativement élevés pour la financer (mais pas confiscatoire, dans le respect du droit de propriété, cela va sans dire). Cet équilibre n’est basé que sur la confiance: les individus ne trouveront l’impôt – même élevé – légitime qu’à partir du moment où ils estiment que l’action de l’Etat, et les services qu’ils reçoivent, « valent » au moins ce qu’ils payent en impôts.
Dans le cas contraire, l’impôt – quel que soit son montant – ne s’apparente plus à une contribution au bien commun, mais bien à une spoliation de propriété privée, une accaparation étatique illégitime de la richesse privée visant non pas à œuvrer au bien commun mais à perpétuer les gaspillages publics et les rentes des élus corrompus et des privés qui en dépendent.
Le cas Depardieu ne fait que révéler les dissensions internes au débat politique française: ceux qui veulent réformer l’Etat pour le rendre, à nouveau, légitime; et ceux qui considère que l’individu n’a pas de droits – seul l’Etat étant le souverain ultime de la société – càd ceux qui vivent de l’impôt sur le travail des autres et veulent donc toujours plus de prélèvements et toujours plus de collectivisation des richesses privés. Depardieu est parfaitement libre d’habiter où il veut, c’est sont droit le plus inaliénable, et ceux qui s’offusquent de son départ ne font qu’avouer leur intention de mettre l’argent des autres à leur propre service bien égoïste. Le socialisme, pour peu qu’on se renseigne sur sa définition historique, n’a jamais été autre chose qu’un régime de transition vers le communisme, c’est à dire un programme visant à éliminer progressivement, via la taxation, toute forme de propriété privée et ainsi collectiviser dans le giron étatique tous les patrimoines individuels. On est loin de l’impôt visant à financer le bien commun dans le respect des droits individuels.
Que quelques riches partent, c’est une chose que l’on voit: et ce qu’on ne voit pas ce sont tous les riches potentiels qui ne prendront jamais le risque d’entreprendre, tous les investissements potentiels qui iront se faire dans des pays où l’Etat de droit existe encore, toutes les personnes de bonne volonté qui pourraient lancer des projets et qui ne le feront pas, puisqu’au final, à quoi bon ?