Je ne suis pas forcément pour le système scolaire actuel (cf ce que j’ai écrit il y a quelques mois sur André Stern). Mais il est là avec tout un éco-système qui tourne autour, notamment les cantines scolaires.
J’ai travaillé il y a quelques années dans l’une d’elle. Les cantines proposent des repas plus équilibrés que ce qu’il pourrait y avoir à l’extérieur, dans une société où l’alimentation est principalement basée sur la viande. Dans le système scolaire actuel, dans la société actuelle, la cantine peut répondre à certains besoins.
Il y a quelques semaines, je demandais au député français d’Europe Ecologie Les Verts François de Rugy, alors qu’il allait parler des agriculteurs et du sommet des consciences – et donc du réchauffement climatique – sur iTélé, s’il allait parler du véganisme. Il est utile de rappeler ici que la consommation de viande est la première responsable au monde des émissions de CO2, devant les transports même.
Il faut savoir qu’une partie des végés reproche au parti écologiste EELV de ne pas porter la question végane. En tout logique, et de manière rationnelle, pour lutter contre le réchauffement climatique, promouvoir la biodiversité, il faut promouvoir des alternatives à la viande, dans la société toute entière, et pas seulement à la cantine. L’échange entre Aymeric Caron et Stéphane Le Foll, dans On N’est Pas Couché, est éclairant sur ce point.
Un des combats des végétariens actuellement, par exemple, est de demander aux restaurateurs d’avoir une solution sans produits animaux sur la carte. Plus il y a de végétariens, plus cela devient commercialement intéressant pour eux. Des restaurants végans commencent à voir le jour mais sont encore trop rares. Des chaînes comme Starbucks commencent à le comprendre. Mc Do doit s’expliquer sur ses frites qui ne sont pas véganes dans tous les pays (elles peuvent contenir parfois des arômes produits à base d’animaux morts). L’offre alimentaire sans produits animaux est de plus importante, y compris celle industrielle. Etre végé en 2015 est bien plus facile qu’en 1995 ! En Allemagne, le poids économique des végés commence à être pris en compte. Voilà pour le contexte social actuel.
Le député m’a répondu, après l’émission, sur Twitter : « Je n’ai pas eu le temps d’en parler mais je suis pour développer les repas végétariens dans les cantines (sans être végétarien)« . Il y a eu quelques retweets de sa réponse.
Si aujourd’hui j’en parle, c’est qu’un journaliste devenu consultant, Michel Lepinay, m’a tweeté en réponse un lien vers une tribune « Mais foutez la paix aux gosses!« . Il mélange beaucoup de choses : Laïcité, Charlie, la port de la jupe, le porc à la cantine, les repas végétariens. Je comprends ce qu’il veut dire : n’utilisons pas les enfants. Mais, si on voulait vraiment foutre la paix aux enfants, ce n’est certainement pas en les envoyant dans l’école actuelle qu’on le ferait et Libre enfants de Summerhill serait le modèle de toutes les écoles françaises.
Prenons la question autrement. L’alimentation est un sujet essentiel au XXIème siècle car c’est la principale cause de de « maladies de civilisation » : obésité, cancers, etc. Il est logique, dans ce cadre, qu’il faille éduquer à l’alimentation. La cantine est un bon moyen pour cela. Au XXIème siècle, en France, de plus en plus de nutritionnistes, d’ailleurs, valident les repas scolaires. Il est normal qu’une société se soucie de ce que mange ses enfants.
Les enfants végés n’ont pas la possibilité de manger en restauration scolaire de manière équilibrée. Car oui, il y a es enfants végés ! Si les parents considèrent comme plus sain pour eux d’être végés, pourquoi voudriez vous qu’ils imposent à leur enfant d’être en mauvaise santé et avec de mauvaises habitudes alimentaires ? Il y a des enfants qui sont végés, c’est un fait. D’un point de vue végé, on pourrait tout aussi être scandalisé que des adultes imposent à des enfants de manger des cadavres alors que ce n’est pas nécessaire.
Michel Lepinay souligne que la cantine n’est pas obligatoire. C’est vrai. Du coup, des parents végés s’organisent pour ne pas mettre leur enfant à la cantine. Tous ne le font pas mais certains oui. Certains en profitent même pour scolariser leur enfant à la maison. L’école n’est pas plus obligatoire que la cantine.
Mais c’est là que le raisonnement de Michel Lepinay ne tient plus. Sous prétexte de ne pas utiliser les enfants, il les utilise. Les enfants ne mangent pas de cadavres ? Il les vire de la cantine tant qu’ils n’en mangent pas. Au niveau de la rhétorique, ça me rappelle cette personne qui disait, avant l’adoption du mariage pour tous, que les personnes homosexuelles avaient déjà le droit de se marier puisqu’elles pouvaient se marier avec une personne de l’autre sexe.
Les questions à se poser devraient être :
- l’école accompagne-t-elle le mouvement de la société vers une alimentation plus végétale ?
- si la cantine est là pour améliorer l’alimentation – et donc la santé – des enfants est il normal d’en exclure en raison de leur alimentation ?
L’alimentation est aussi une question religieuse, parce que toutes les religions ont des interdits alimentaires. En France, chacun a le droit d’avoir et de changer de religion. Chacun a même le droit de ne pas en avoir. Ce n’est pas écrit sur notre carte d’identité donc cela ne regarde que nous, enfants ou parents, mineurs ou adultes.
Il y a quelques mois, différentes personnalités avaient signé une tribune dans Le Monde pour demander des menus végétariens avec un argument clair : « Le repas végétarien est en effet celui qui convient au plus grand nombre -musulmans, juifs, chrétiens, athées ou autres« . Un repas sans viande permet plus de concorde. Comme dirait Christiane Taubira, la laïcité c’est l’inclusion, pas l’exclusion. « La loi de 1905 n’est pas une loi de restriction, c’est une loi d’émancipation : Le défi qui nous est posé aujourd’hui est de rendre la République capable d’offrir à chacun une appartenance collective crédible et enthousiasmante pour dépasser nos identités individuelles et singulières. »
Le fait est que plein d’enfants ne mangent pas la viande proposée en restauration scolaire. Cela génère du gaspillage et déséquilibre l’alimentation des enfants puisque les menus sont basés sur la consommation de viande. Le maire de Toulouse, qui a décidé de proposé des repas végétariens dans les cantines scolaires, disait : « La ville de Toulouse sert environ 30.000 repas par jour, répondant aux exigences nutritionnelles, aux enfants dans les écoles publiques. Malheureusement, il apparaît qu’environ un tiers de ces enfants ne consomment pas la viande proposée pour diverses raisons. (…) Cette solution pragmatique convient au plus grand nombre et permet ainsi à chaque enfant, quels que soient sa confession ou ses goûts alimentaires, de bénéficier d’un repas complet et équilibré. »
Michel Lepinay veut « foutre la paix aux gosses », je suis d’accord. Mais cela passe aussi par une proposition d’aliments qu’ils puissent manger, et donc des menus végés dans les cantines de la République.
Je n’ai rien contre les menus végétariens… Je peux manger végétarien… quand il n’y a pas de viande. Chacun son combat. J’ai simplement voulu dire aux hommes politiques, comme vous l’avez bien compris: cessez d’utiliser l’école comme champ de bataille politique!
@Michel Lépinay : Sur la question végé, il n’est pas nécessaire d’en faire une bataille, il peut y avoir consensus. Dans mon billet, j’ai cité des élus de différentes tendances : EELV, Parti Radical de Gauche, LR. Tout va bien donc, et vivent les repas végéta*iens ;-)