Je viens de finir The hate u give, d’Angie Thomas. Il était sur une de mes étagères depuis quelques mois mais ces presque 500 pages me rebutaient de le commencer. Peur de ne pas le finir. Et puis je l’ai ouvert et j’ai pris une claque.
La langue, d’abord, avant tout.
Starr, la narratrice, est une jeune lycéenne de 16 ans. Elle raconte sa vie. Avec son langage, la langue de la rue, du ghetto. Elle nous parle. Se confie. Avec ses mots, ses références culturelles, populaires. Elle nous fait rire de ses réactions, de ses avis, de ses révoltes.
J’ai lu la version en français. Nathalie Bru, la traductrice, a essayé d’utiliser l’argot qui pouvait parler à un public français. Il est étrange d’entendre parler de toubab, pour les Etats-Unis, alors que le mot vient de l’Afrique de l’Ouest (malinké, wolof) et fait plus référence aux Européens blancs. Mais l’idée se comprend. Et je ne sais pas si j’aurais pu lire la version originale. J’aurais peut-être butté sur énormément de mots.
Starr raconte et analyse. Elle tient d’ailleurs des tumblr. Alors, elle nous donne des clés de lecture de la société. Des rapports humains. Des codes culturels. Des différences. Elle s’interroge. Parce qu’elle vit dans un nœud de relations ou se croisent riches, pauvres, gangs, flics, dealers, racistes ou militants antiracistes, des Noirs, des Blancs.
Dans la galerie de personnages que décrit Angie Thomas les nuances sont nombreuses. Rien n’est simple. Les motivations, les situations, les impératifs créent des trajectoires inattendues. C’est la vie quoi.
Starr s’interroge aussi sur elle-même car elle doit fréquenter différents lieux, différents milieux. Et, à chaque fois, elle doit s’adapter. Adapter sa tenue, son langage. Elle veut compartimenter. Elle le doit aussi. Une question de survie sociale pense-t-elle.
Avant d’écrire cet article, une fois le livre fini, j’ai regardé quelques youtubeuses et youtubeurs parler du livre et le film qui en est l’adaptation. Certains lui reprochent d’alterner des temps longs et des actions beaucoup plus rapides. Pourtant, c’est cette alternance entre action et analyse qui me semble intéressante. L’action tiendrait en 2 ou trois pages sans cela. Ce sont bien toutes ses discussions, ses rires, cet humour, ces petits riens, ses interactions qui nous font nous attacher à Starr, à ses parents, à ceux qui tournent autour d’eux.
Parce que les parents, dans ce drame, dans ce livre initiatique, ont aussi un rôle à jouer. Ils discutent de leurs affaires d’adultes, de leur manière d’éduquer leurs enfants, et aussi ceux des autres, mais aussi de leur loyauté vis à vis de leur quartier, de leur manière de s’y impliquer.
The Hate U Give est à lire. J’espère qu’il est aussi étudié, analysé. Pour la langue, pour les références culturelles, historiques. Pour les enjeux autour du vivre-ensemble qu’il pose.
Si tu es arrivé jusque là, tu as noté que j’avais mis quelques chansons de Tupac Shakur dans l’article. C’est une de ses paroles qui a donné le nom au roman. THUG LIFE, le nom du groupe de Tupac, signifie : « The Hate U Gave Little Infants Fucks Everybody« . C’est une des premières leçons de ce roman où la culture hip-hop est importante (et où je n’ai pas pu m’empêcher au talk de Max Limol sur la culture des sneakers).
L’autre leçon, je l’ai trouvé dans les remerciements de l’auteur. Cela ne vient pas de Starr, donc, mais d’Angie Thomas : « vos voix comptent, vos vies comptent. » Et elle ajoute : « Soyez les roses qui poussent dans le béton. » Ah, mais c’est encore une référence à 2pac…
Did you hear about the rose that grew
from a crack in the concrete?
Proving nature’s law is wrong it
learned to walk with out having feet.
Funny it seems, but by keeping its dreams,
it learned to breathe fresh air.
Long live the rose that grew from concrete
when no one else ever cared.